Albanais
L'albanais (shqip en albanais) est une langue qui constitue à elle seule une branche de la famille des langues indo-européennes, issue des langues paléo-balkaniques.
Il est parlé par presque 5,9 millions de personnes et comprend les variétés de l'arbëresh, de l', du guègue et du tosque.
La plupart des linguistes considèrent aujourd'hui que l'albanais appartient à l'ensemble thraco-illyrien des langues indo-européennes. On a longtemps considéré l'albanais comme une langue indo-européenne isolée, du fait que la langue antique dont il descend nous était inconnue et que tant sa phonologie que sa grammaire sont à un stade d'évolution atypique de l'indo-européen. L'albanais a pourtant de nombreuses caractéristiques communes avec les langues géographiquement voisines, avec lesquelles il forme l'union linguistique balkanique. Comme en grec, certains termes sont pré-indoeuropéens comme kok (« tête »), sukë (« colline »), derr (« cochon »), que le paléolinguiste et bascologue Michel Morvan rapproche du pré-occitan kuk, suk (« hauteur ») ou du basque zerri (ou txerri, « porc »).
Cet ensemble est géographique plutôt que linguistique, et l'albanais, langue satem, comprend des éléments issus des deux branches, illyrienne (« satem ») et thrace (« centum »), langues mortes très peu documentées qui ne permettent pas que l'on détermine avec précision sa position dans l'ensemble. Pour déterminer les liens que l'albanais entretient avec les autres langues indo-européennes, il a fallu reconstruire l'histoire de son phonétisme, afin d'isoler son fond lexical ancien des emprunts aux langues voisines. Sur cette base, on a pu clairement démontrer le caractère indo-européen particulier de l'albanais.
Selon les travaux des linguistes Walter Porzig, Eqrem Çabej, Eric Hamp, Petro Zheji ou Bernard Sergent, l'existence d'un lexique commun à l'aroumain, au roumain (langues romanes orientales) et à l'albanais, ainsi que la toponymie côtière de l'Albanie, ont fait supposer une origine partiellement thrace (peut-être carpienne) des ancêtres des Albanais, qui auraient initialement évolué plus à l'est qu'aujourd'hui, dans les actuelles république de Macédoine du Nord et Serbie méridionale, au contact des aires linguistiques illyrienne et thrace Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Bernanrd Sergent et d'autres linguistes considèrent, dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, que l'existence en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique et en roumain de mots de substrat apparentés à des mots albanais corrobore cette manière de voir. Voir Eric Hamp :, . Bernard Sergent cite Vladimir Georgiev, Heinz Kronasser, Eric Hamp, Frederik Kortlandt et Mircea Rădulescu. Voir aussi Iaroslav Lebedynsky,. Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Bernard Sergent, Zheji et d'autres linguistes considèrent que le proto-albanais s'est formé sur un fond thraco-illyrien vers le, à l'intérieur des terres, subissant un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, tandis que les emprunts les plus anciens de l'albanais aux langues romanes proviennent du diasystème roman oriental et non de l'illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie après la disparition de l'illyrien (pendant l'occupation romaine, l'illyro-roman a remplacé l'illyrien à la manière du gallo-roman remplaçant le celtique en Gaule). Comme les lieux albanais ayant conservé leur appellation antique, ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l'albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec, ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l'est de l'actuelle Albanie et que régions côtières de ce pays (thème du Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines. .
Mais comme l'illyrien appartient au même groupe de langues indo-européennes que l'albanais (classé comme formant un groupe de langues indo-européennes à lui seul parmi les langues indo-européennes d'aujourd'hui) les philologues protochronistes en déduisent que l'albanais descend « directement et exclusivement » de l'illyrien. Le rapprochement entre l'albanais et l'illyrien a été fait dès 1709 par Gottfried Wilhelm Leibniz, qui appelle l'albanais « la langue des anciens Illyriens ». Plus tard, le linguiste Gustav Meyer (1850-1900) déclara « Appeler les Albanais les nouveaux Illyriens est aussi juste que d'appeler les Grecs actuels "Grecs modernes". » La langue albanaise constituait pour lui l'étape la plus récente de l'un des dialectes illyriens. Les indo-européanistes modernes, par contre, ne souscrivent guère à l'hypothèse d'une filiation immédiate. Beaucoup de linguistes actuels soutiennent que l'albanais descend de l'illyrien, et la parenté directe entre les deux langues est également admise dans divers ouvrages historiques. On avance même parfois l'hypothèse que la frontière linguistique entre les dialectes guègue et tosque trouverait son origine dans la limite entre les domaines des dialectes épirote et « illyrien proprement dit » de l'illyrien. À l'appui de ces théories on mentionne que des anthroponymes albanais actuels sembleraient également avoir leur correspondant illyrien : c'est ainsi qu'à l'albanais dash (« bélier ») correspondrait l'illyrien Dassius, Dassus, de même l'albanais bardhi (« blanc ») correspondrait à Bardus, Bardullis, Bardyllis, . Quelques ethnonymes de tribus illyriennes sembleraient aussi avoir leur correspondant albanais : c'est ainsi que le nom des Dalmates correspondrait à l'albanais delmë (« brebis ») ; de même le nom des Dardaniens correspondrait à l'albanais dardhë (« poire, poirier »). Mais l'argument principal en faveur de cette thèse, officielle durant la période communiste, est géographique : les zones où est parlé l'albanais correspondent à une extrémité orientale du domaine « illyrien ».
Conformément à ces positions protochronistes, en 2012 une étude du New York Times classa l'albanais comme l'une des plus anciennes langues d'Europe, apparue au même moment que le grec et l'arménien et conclut que les langues albanaise et illyrienne sont issues « directement » l'une de l'autre. L'appartenance de l'albanais et de l'illyrien au groupe linguistique « satem » semble renforcer cette hypothèse.